Chère Lirelei,

Publié le par V. Gabralga

Vous m’avez écrit pour rendre ce livre, Belle du Seigneur, que j’ai gardé un peu trop longtemps chez moi. C’est vous qui me l’aviez conseillé, rappelez-vous. Ne m’en veuillez pas, mais vous aviez glissé votre parfum entre ses pages magnifiques, tout comme j’y glisse cette lettre, et quand je l’ouvrais vous étiez avec moi, je respirais votre présence. Trouvez-y mon cœur, à présent. Vous êtes la nouvelle bibliothécaire – quel nom barbare pour un si joli métier ! Il est aussi dur et sans charme que vous êtes douce et gracieuse. Aussi, belle gardienne des livres, je vous ai donné ce nom : Lirelei. Fée des eaux calmes de la lecture.
Bien sûr, vous avez remarqué que je vous dévore du regard, car depuis votre arrivée ici, je viens presque tous les jours. Ma thèse sur le cinéma nippon, c’est du bidon. Mais j’adore vous demander de me mettre des ouvrages de côté : comme ça, vous vous occupez un peu de moi. Avez-vous lu le petit poème que j’ai laissé pour vous dans l’Attrape-Cœur de J.D. Salinger ? Non, visiblement. Tant mieux. Je suis un poète mal engagé. Mais si vous lisiez en moi comme si j’étais le dernier Modiano, comme si j’étais un être de mots, vous sauriez que je suis là pour vous, rien que pour voir vos beaux yeux bleu-vert effleurer ces pages dont je suis jaloux. Oui, je voudrais être un livre pour épouser vos yeux.
Je vous guette de derrière les rayonnages, tout en faisant mine de chercher un titre. Lorsque vos fines mains caressent avec amour le vieux cuir scarifié d’un volume rare de la Comédie Humaine, je frémis de tout mon être. Ah ! Si je pouvais être votre livre de chevet, effleurer votre délicat visage avec mes pages, recueillir vos éclats de rire et vos soupirs, boire vos larmes comme un buvard, sentir votre sein palpiter au moment où vous vous endormez sur moi, clore vos paupières quand vous glissez dans le sommeil pour m’emporter avec vous au pays des songes… Je serais, ma Lirelei, le plus heureux des hommes, l’ivre de joie permanent !
Celui qui vous offre son cœur de lecteur amoureux,


Votre Marc Page


Lettre de Jean Gennaro pour "Partagez l’émotion du Courrier"
Concours de lettres d’amour

 

Publié dans Correspondance

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H
Je me souviens d'un poète qui avait écrit une poésie à la gloire de sa libraire, une jolie blonde aux yeux bleus, qu'il rencontrait régulièrement. Que c'était beau et ce poète lisait, souvent, au marché de la poésie, des textes flateurs pour la femme, en vous regardant droit dans les yeux. Il repose, maintenant, au jardin des poètes, mais je conserverai toujours ce merveilleux souvenir.... Coryphee
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F
De jolis mots, de belles tournures pour dire cet amour. La pureté en est reposante et rassurante.
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M
Une bien jolie déclaration :-)
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