Les Mots Migrateurs

Publié le par V. Gabralga

- Alors, parlez- moi un peu de ce collège d’auteurs… Comme l’appelez-vous déjà ?
- Les Mots Migrateurs !
- Ah oui, c’est cela Les Mots Migrateurs ! Un drôle de nom quand même. Ils sont nombreux ?
- Oui, une sacrée bande ; on dit qu’ils ont établi leur QG à Cergy-Pontoise.
- Je vois, l’ex-ville nouvelle, le XXIe arrondissement de Paris, loin des influences de la capitale, pour opérer en toute tranquillité…
- C’est, comment pourrait-on dire, comme un terrier d’écrivains en Ile de France !
- Et que font-ils dans cette base de grande banlieue ?
- Eh bien, c’est pourtant simple, ils écrivent.
- Incroyable !
- Mieux, ils publient aussi !
- Non, vous voulez dire qu’ils éditent des livres ? Mais, c’est délicieusement décadent !
- Ou révolutionnaire !
- Tout de suite les grands mots.
- C’est qu’ils sont habiles à décliner des vers !
- Grand Dieu ! Il faut de ce pas les faire enfermer…
- Ou les féliciter !
- Vous plaisanter ?
- Toujours en littérature…
- Vous êtes drôle
- Tenez, laissez-moi vous présenter quelques-uns de ces oiseaux…
- Migrateurs !
- Hum, commençons par les membres fondateurs ! Vous avez le choix entre Le Russe, La Portugaise, L’Indien ou la Mystérieuse…
- J’ai bien envie de commencer par la Mystérieuse.
- Eh bien, si vous aimez les histoires de famille…
- Une psycho généalogiste ?
- Dans le mille ! Auteur de deux romans magnifiques qui fleure bon le sapin…
- Où l’on flingue à toutes les pages ?
- Pas tout à fait, mais, « Il faut que je vous dise… »
- Et l’Indien ?
- Gennaro ? Un postier qui excelle dans les lettres
- C’est un pléonasme !
- Non, une figure de style !
- Un grand homme en quelque sorte ?
- Un type un peu tango sur les bords…
- Il danse
- Seulement sur les péniches, d’après lui, c’est plus classe ; c’est tout dire !
- Voyons la Portugaise
- Sensuelle et radiophonique…
- Donc elle est blonde
- Vous avez un de ces pouvoirs de déduction, mon cher ! Vous savez, Gonçalves, ce qu’elle dit avec les mains est épatant, mais ce qu’elle écrit est encore mieux…
- Et sur les ondes ?
- Déjà enfant, on lui donnait un micro à la place de sa tétine. Alors vous pensez ! On l’a d’ailleurs entendu plusieurs années sur Radio Alpha, puis dans une émission sur radio RGB à côté du Russe.
- Trafic de drogue ?
- Pire : trafic d’influence…
- Littéraire ?
- Oui, comme une assiette anglaise !
- Mais, dites-moi, de quoi vivent-ils ces Mots Migrateurs, émigrés d’on ne sait où ?
- De trois fois rien
- C’est déjà trop sans doute
- Il faut demander à Lucco
- Manquait plus qu’un Italien pour compléter le tableau !
C’est le cerveau du gang ?
- Ça dépend, si vous aimez Michaud, et Devos, et la clarinette…
- Une clarinette à bretelles ? C’est sans doute très utile pour forcer les portes…
- Les portes de l’imaginaire. Ecoutez, si vous voulez en savoir plus, demandez lui qu’il vous écrive une lettre…
- Cher Monsieur, c’est sans aucun détour que…
- Arrêtez mon ami !
- Qu’y a t-il ?
- Rien, rien, je pense que « L’heure », « L’heure est mûre », « L’heure est mûre… »
- Et les minutes tombent sur le silence comme la pluie… (silence)
- Vous vous sentez mal ?
- Non, je suis admiratif devant tous leurs exploits. Au dernier salon, j’ai pu lire les titres de leurs ouvrages. Il n’y a pas à dire, ça vous en bouche un coin, et puis penser que demain certains feront la une des prix littéraires et des journaux…
- Les journaux vont mal, Le Monde vient d’être racheté
- Nous sommes sauvés alors !
- Si vous êtes abonné à « Free », tout ira bien
- Hum, mais revenons aux écrits illusoires
- Aux écrits illusoires ?
- Aux écrivains ! Pardi ! Voyez vous je me perds en conjectures. Entre Alby qui veut « Laisser son empreinte »,  Foucart qui nous promet « Un monde meilleur » et  Villers des « Chansons douces » ! Voyez aussi « Le chien qui fond » ….
- L’humour de Lécuyer
- Qui monte à cheval…
- Pour « La traversée du désert »
- De Chenu et d’Hazebrouck
- Au sud de l’Equateur, là où…
- « De temps en temps » tous les auteurs aiment se retrouver,
- En « Couples mixtes », comme dirait Gonçalves,
- Entre leur moi, leur surmoi et leur ego
- Proéminent !
- Immense !
- Insatiable !
- Inassouvi !
- Ce fameux « Complexe 13 B » si bien décrit par Sophie Fedy
- Tout juste !
- Vous vous demandez aussi, « Mais qu’y a t-il derrière la porte ? »
- Sans doute, « Pour un enfant », « Le premier pas », « D’une vie à l’autre »… ?
- Presque un conte de fées…
- Ou un roman ?
- Avec Bigand, on peut s’attendre à tout depuis qu’elle caracole dans le hit parade du café du lecteur. Forcément, Bigand, deux gants… (hésitation) ; vous me suivez ?
- Pas du tout !
- Tant mieux ! En fait, elle n’a pas son pareil pour extraire de ses deux mains l’émotion des coffres les plus rétifs.
- Même les nouveaux Fichet-Bauche avec double blindage et verrouillage par serrure à clé à double panneton ? Elle est balaise Bigand !
- Idiot ! Je voulais simplement dire qu’aucun cœur de lecteur ne lui résiste !
- C’est une métaphore,
- Un météore lui conviendrait mieux,
- Alors elle a les yeux bleus !
- « Le bleu arrivant malgré moi ; les poètes sont bleus ; moi, c’est une couleur qui me stresse… »
- C’est du Bigand ?
- Non, du Tafoiry ?
- Parce qu’il y a des plasticiens en plus dans leur ménagerie de littérateurs ?
- Quelque uns oui, Altazin, Aizier, Aubin, Chenu, et Tafoiry..
- C’est beau, on dirait une énumération à la Prévert !
- Les peintres sont des poètes qui s’ignorent
- Et les auteurs des plasticiens du verbe
- C’est ce qu’ils essaient de montrer tous les deux ans en organisant une exposition d’arts croisés intitulée « Mots Arts ». Pas mal le jeu de mots, non ?
- Moi, vous savez les musiciens, ce que j’en pense ?
- Vous m’inquiétez là, cher ami ! ?
- Que voulez-vous, à force de lire tous ces manuscrits…
- Vous avez lu « Les écureuils dans les blés, ou l’enfant de papier » ?
- De Buscail ? J’ai adoré !
- Et puis, tous ces œuvres aquatiques « La mer des pluies » de Guyon, les « Rivages » d’Aizier, « Prométhéa » de  Bellac, le « Collier d’entre rives » de Chaouche, on voyage, on navigue, on tangue à l’intérieur… jusqu’à la souffrance douce-amère, parfois même tragique, de nos souvenirs d’enfance
- En fait, vos Mots Migrateurs sont sur tous les fronts, on les trouve même jusque dans les lieux d’incarcération…
- Je constate que vous faites partie des gens qui écoutent au dos des portes les conversations de Prolonge ; « De l’usage de l’apologue en maison d’arrêt » ou encore comment sortir de l’Enfer par la nouvelle méthode du « Jogging d’Euydice ».
- « La prison des mortels » de Lecoeur ?
- En quelque sorte !
- On dit aussi que vos lettrés s’entraînent dans des ateliers d’écriture ?
- Bien sûr, il faut entretenir la création ; voyez Boudin, Rançon, Beaudoin, Thoren, Sailly, Sourice, Diquéro, Leray, des fidèles à l’exercice.
- Oui, je vois, ces ateliers sont un peu comme des viviers à idées.
- Et puis, outre ceux qui reçoivent, il y a aussi ceux qui donnent et animent des ateliers en milieu scolaire, en thérapie, au café, pour enfants ou pour adultes, en do dièse ou en si bémol mineur…
- Campos, Jaume, Leprat, Souffron, Gonçalves, Burguière…
- Une symphonie fantastique de doux dingues, sans oublier les pros
- Comme Nathalie Fremaux
- Qui ont poussé le vice jusqu’à écrire un livre sur les ateliers d’écriture !
- Un comble !
- Une aventure
- Une réussite…
- Comme je vous l’ai déjà dit, les Mots Migrateurs ont fait aussi vœux d’éditions collectives et ils en sont déjà à leur deuxième opus
- Un bon moyen pour se faire connaître
- Surtout un bon moyen de montrer la richesse de leurs malfaiteurs littéraires
- Ou leur génie !
- On le saurait ! Ecoutez, quand on se paye le « Coup de feu » de Corin Bolis, « L’eau dans le gaz » d’Arielle Alby, la « Quintessence » de Vincent Matrat, « La pluie sur le Nil » de Sandrine Villers, et les « Bribes » de Mireille Jaume, sans oublier les 19 autres récits courts qui alimentent l’ouvrage « Les quatre éléments », on en a pour ses yeux et ses sentiments
- Et pour son argent !
- Comme vous dites !
- J’avoue que j’y vois un peu plus clair sur la saga des Mots Migrateurs
- Ils ont pourtant écrit et joué « Où es-tu mon pays ? »
- Pardon ?
- Non, rien, je voulais juste insister sur le côté cosmopolite du gang, le côté conte africain et immigré clandestin avec Isaac N’Kaya, le côté « déracinés » avec « L’éternelle Espagne » de Kyra Gomez ou l’« Ancre en éclats » de Paula Gonçalves
- Les auteurs sont peut-être des enfants de la page blanche ?
- Il faudra demander cela à Dominique Gogendeau, leur créatrice de papier…
- Et ils ont de nouvelles recrues !
- Oui, pas une semaine sans qu’un auteur solitaire rejoigne cette grande famille, et de nouveaux prénoms peuplent régulièrement leurs réunions : Chris, Arsinoé, Firouzeh, François, Jimmy…
- Que vont devenir les Mots Migrateurs ?
- Ils vont d’abord regretter la fin de la Barakamo
- La quoi ?
- La baraque à mots, un repaire pour brigands de la langue française…
- Dommage, ça sonnait bien !
- N’ayez craintes, les filous de la plume sauront trouver de nouveaux ports d’attache et garderont toujours dans leur cœur le drapeau de la Barakamo, le drapeau noir au sourire accueillant, celui de l’encre et de l’amitié.

 

Philippe Raimbault, président des Mots Migrateurs

 

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B
<br /> <br /> je découvre et j'aime beaucoup.  beaucoup d'humour etde jubilation le tout paré de belles phrases bien construites, des mots-phares et du rythme, bref tout ce que j'aime en théâtre, et en<br /> littérature! merci<br /> <br /> <br /> brigitte<br /> <br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> Je crois que personne n'oubliera les fous rires provoqués par votre belle prestation (Philippe et Jean)... Un texte humoristique tout à fait savoureux, merci Philippe pour ce texte et la<br /> formidable soirée :-)<br /> <br /> <br /> <br />
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