Sans papiers

Publié le par V. Gabralga


Il est venu un soir croiser notre route. Il n’avait qu'une envie, celui de vivre comme tout le monde, intégré "comme ils disent"....
Immigré, Joshua vit en France depuis des années, sans papiers, c’est un clandestin du quotidien. Ce n'est pas l'aumône qui lui faut, encore moins la pitié, juste un regard, un job, un moment de reconnaissance, une main tendue.

Il a voulu participer à notre vie associative. Faire du théâtre, montrer qu'il sait écrire, lire... parler, jouer le Français parfois mieux que nous autres.
Il a tellement de choses à dire sur ces années d'errance entre l'Afrique et la France.
Pouvons-nous seulement imaginer ce que c'est, que de ne pas avoir d'identité sur un sol étranger ?
La peur d'être arrêté, aucune sécurité, être à la marge, au marché noir,... heureusement un peu de famille pour vous héberger et vous nourrir. Tout est mélangé. Le désir de rester en France, traditionnellement  terre d'asile et de libertés, parce que revenir au pays, c'est très probablement retrouver les violences ethniques et la torture au bout du voyage. L'incompréhension devant ce beau pays, toujours la France, qui perd la tête, qui ne sait plus accueillir les étrangers, qui traque les sans-papiers, ferme les yeux et les oreilles, et les renvoie par charters entiers à la prison ou à la mort.

Un jour, vous apprenez que Joshua est en garde-à-vue. Faisant l'objet d'un Arrêté de Reconduite à la Frontière. Les mots vous manquent. Il fait Appel.
Au tribunal, il est introduit menotté, entre trois policiers, comme un meurtrier ou un prisonnier. Vous avez envie de crier à l'injustice ... mais vous manquez d'air.
Pourtant son attitude est déterminée. Résister jusqu'au bout.

Il est là, menotté,
sa dignité d'homme
réduite en poussière
au fond de sa poche
au fond de son coeur
Il avance
avec le couperet
d'être expulsé,
de mourir sur son sol natal.

Un sans papiers.
Pourquoi tant d'inhumanité?

Poème de Paula Gonçalves
 
L'avocate à beau dire que son client est parfaitement intégré à notre société, que depuis des années, Joshua essaye par tous les moyens de mener une vie normale sur le sol français, qu'il fait même du théâtre, qu'il est écrivain.. Qu'il n'a plus de famille en son pays d'origine, et que s'il repart là-bas... il mettrait sûrement sa vie en danger.

L'avocate à beau dire... Madame Le juge parle à voix basse comme si elle avait honte de représenter la Justice française, et elle rejette l'Appel.

Vous qui le connaissez. Vous qui sentez vos racines  « vous démanger l’identité » (nous sommes tous immigrés de quelque part). Vous pleurez à l'intérieur parce vous ne voulez même pas offrir vos larmes à des hommes et des femmes sans coeur, qui jugent sans savoir, qui jugent sans vouloir, presque comme des marionnettes, tirées par les fils d'une loi sans discernement, que vous n'avez même pas votée. Et puis il fait si froid ici, les murs, les regards des policiers, tout est inhumain dans les locaux d'un tribunal..

Encore quelques heures, et ce sera le départ pour le centre de rétention du Mesnil-Amelot. Pour Joshua, cela signifie le désespoir, l'amertume, la rage, en attendant le premier avion « direction là-bas ».

Il ne vous reste plus qu'à prier.
Même les associations d'aide pour les immigrés et les sans-papiers, qui se sont pourtant mises à nu pour le tirer d'affaire, ne vous laissent plus beaucoup d'espoir.
Si, un seul, infime, illusoire, illogique ! Espérer qu'il n'y ait plus de place au centre de rétention. Trop d'immigrés à renvoyer, c'est peut-être la planche de salut pour Joshua.
Incroyable, après 48 h de garde-à-vue, deux jugements et sans avoir pu seulement changer ses vêtements, le voilà libre.
Univers kafkaïen poussé à l'extrême.

Libre ? Un retour à la case sans-papiers ; avec un Arrêté de Reconduite à la Frontière qui vous mine, valable pendant un an. Libre d'errer ou de chercher un peu plus à s'intégrer, à enrichir son dossier, jusqu'à quand, le prochain contrôle d'identité ? La prochaine demande d'intégration ?
Nous devons l'aider.

Ils sont combien ainsi à fuir la misère ou la guerre de leur pays en espérant trouver en France une terre d’asile, un lieu de paix et de justice, une nouvelle vie..
 
« Feux de croisement » : Où es-tu mon pays ?
Ils ne savent pas ce qu’ils veulent
Entre terre d’asile et expulsions !
J’ai découvert les discours
D’un racisme primaire,
Entre frères,
Anonymes.
Identité.
Partagée
Sans perdre racines,
Trouver la voie du métissage,
Et faire de la différence une couleur.
Quelles que soient nos terres d’origine,
Il faudrait savoir « dépasser la ligne blanche ».

Poème de V. Gabralga


Car qui a dit que l'être humain avait des choix,
Qui a dit ?

Qui a dit ça.… ?

Nous avons  tellement mal pour eux, pour tous ces gens qui n'ont rien fait, qui sont nés dans un pays en guerre, qui n'ont pas eu la chance de naître, comme nous, dans un pays dit développé et en paix ! C'est si injuste !!!

Nous pensons tout particulièrement à tous les Joshua du Gongo Brazaville, du Rwanda, de Colombie, d’Iraq, de Tchétchènie ou d’ailleurs.. Nous pensons à tous les déracinés, les immigrés, les sans-papiers qui vivent aujourd’hui dans nos quartiers, entre parenthèse, clandestins, pendant des années,… Nous pensons  particulièrement à notre ami Joshua. Nous devons les aider.

Et pour les aider, nous vous proposons d’aller sur les sites Internet du GISTI - Groupe d'information et de soutien des immigrés à l’adresse www.gisti.org, et sur celui de la Cimade, www.cimade.org,  service oecuménique d'entraide qui intervient tout particulièrement auprès des personnes en situation irrégulière, placées dans des centres de rétention.

En mai 2006, la Cimade lançait "Assez d'humiliation !" une campagne de dénonciation et de sensibilisation pour s'élever contre l'aggravation des politiques publiques menées à l'égard des étrangers et des migrants. Issues d'un vaste chantier de réflexion collective, la Cimade présente aujourd'hui 75 propositions pour une autre politique d'immigration. Certaines d'entre elles répondent à l'urgence de restaurer les principes d'égalité et de solidarité, quand d'autres tracent des perspectives à plus long terme.

Texte diffusé sur Radio RGB de Cergy-Pontsoise (www.radiorgb.net) lors de l'émissioin Mots Migrateurs du 1er avril 2007. Animateurs Paula Gonçalves et Philippe Raimbault

Publié dans Essai

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article